Patrick Martin sur Radio classique : "Il faut redonner au privé des marges de manœuvre".
Invité sur Radio classique le 19 décembre, Patrick Martin a évoqué le moral actuel des patrons, mais également la situation à Mayotte, le rôle de l'Etat, la situation économique et les relations avec les syndicats.
Sur Mayotte
"On a déjà aidé Mayotte il y a quelques mois, rappelle Patrick Martin, en envoyant plus d'un million de bouteilles d'eau au moment où il y avait cette pénurie gravissime et on est de nouveau au front. On a d'ores et déjà organisé, depuis la Réunion, avec le Medef Réunion et CMA CGM, un port maritime pour approvisionner, autant qu'on puisse le faire, en denrées alimentaires. (...) Dans l'urgence, il faut déjà que l'ordre public soit maintenu parce qu'on assiste à des scènes de pillages avec des violences humaines qui sont inadmissibles."
Sur le moral des patrons
"Ce qui nous surprend, ce qui nous choque, c'est une forme de déni de réalité, en tout cas de déconnexion d'un certain nombre de politiques par rapport à une situation économique en train de devenir très préoccupante, avec des conséquences sociales. (...) Plutôt que d'être dans un monde virtuel où il faudrait toujours plus d'impôts, toujours charger les contribuables, les entreprises au premier chef. Il faut, au contraire, soutenir la croissance, soutenir l'investissement, soutenir l'emploi. (...) Depuis le mois de septembre à la REF, j'ai tiré le signal d'alarme dans l'indifférence générale. Depuis le mois de juin, il y a une dégradation en train de s'accélérer. Elle n'est pas que française, mais il y a un quotient politique français qui est aggravant et auquel il faut remédier".
Sur la situation politique et la tentation américaine
"Pour les entreprises qui en ont la capacité financière, technique, les Etats-Unis sont devenus très attractifs. Mario Draghi l'a suffisamment souligné. En revanche, ce n est pas possible pour beaucoup de PME, d'ETI qui sont beaucoup plus franco-françaises et qui, elles, ont le sentiment d'être prises dans la nasse, du fait de ce contexte politique extrêmement préoccupant. Nous sommes, au Medef, très républicains, très respectueux des institutions. Il faut d'abord que les calendriers électoraux normaux soient respectés. Après, il faudra quand même qu'émerge une offre politique beaucoup plus ambitieuse, beaucoup plus réaliste et qui prenne effectivement beaucoup mieux en compte l'économie. (...) On aurait, comme c'est le cas dans les autres pays européens, 10 % de dépenses publiques de moins, de prélèvements obligatoires de moins ; on serait moins sensible à cette actualité politique et à sa dangerosité, précise Patrick Martin. (...) Nos décideurs politiques ne sont pas assez conscients de cette compétition internationale. Il faut des gens avertis, des gens robustes et qui se projettent dans l'avenir, qui ne soient pas obsédés par les prochaines échéances électorales."
Sur le trop d'Etat
"On a la démonstration, ces jours-ci, qu'il n'a pas de pouvoirs magiques. Il faut absolument qu'on dégonfle cette bulle étatique à laquelle on s'est résigné et à laquelle certains se sont accoutumés. Donc, cela renvoie à la gestion par les partenaires sociaux. Je rappelle que les régimes gérés par les partenaires sociaux sont excédentaires, à part que tous leurs excédents sont siphonnés par l'État. Je parle de l'assurance chômage, je parle des retraites complémentaires, je parle des accidents du travail et maladies professionnelles, et puis, il faut redonner au privé des marges de manoeuvre."
Sur les syndicats
"La déclaration commune que nous avons produite il y a quelques jours en témoigne. Les syndicats sont parfaitement lucides, autant que les patrons le sont, quant à la réalité de la situation économique. Après, sur les solutions, on n'est pas forcément d'accord, même si, je le redis, on gère très bien ensemble un certain nombre de régimes. (...) Je suis assez confiant quant à la capacité que nous aurons, syndicats et patronats, à prendre en main un certain nombre de sujets, pas contre le politique, mais de manière autonome."
Sur les retraites
"On ne peut pas ne pas partager – je parle des organisations syndicales et patronales – le constat que la démographie conduira à ce que, en l'état, notre système social par répartition ne fonctionne plus. D'ores et déjà, il est grippé."
Sur le cumul des mandats
Pour Patrick Martin, il est clair qu'il faut rétablir le cumul des mandats : "je fais le parallèle avec le Medef et les remontées que l'on a de tout notre réseau, 119 implantations territoriales, 101 fédérations professionnelles. Et c'est vrai qu'un certain nombre de nos parlementaires - ça peut être vrai du Gouvernement – n'ont pas les capteurs qui leur permettent de comprendre au jour le jour et dans la profondeur ce qui se passe dans le pays, sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan social, sur le plan territorial. Donc oui, rétablissons le cumul des mandats."